Droits des locataires pour les résidents des foyers de travailleurs migrants ! 

Ce mercredi 12 février 2025, j’ai présenté à la presse une proposition de loi visant à accorder les mêmes droits que ceux des locataires aux résidents des logements-foyers pour travailleurs isolés co-travaillée avec le Collectif pour l’Avenir des foyers (Copaf).

Je suis fière d’avoir pu déposer cette proposition de loi. En 2001, alors que je devenais jeune adjointe à la mairie du 20e en charge notamment des résidents étrangers extracommunautaires, j’avais commencé par faire le tour des foyers de travailleurs migrants de l’arrondissement. Depuis, je ne compte plus les luttes soutenues dans le 20e comme ailleurs. A l’initiative de ma collègue Andrée Taurinya, le COPAF avait pu co-organiser un colloque sur les FTM et résidences sociales à l’Assemblée nationale le 1er juin 2023. Pouvoir porter en tant que députée ce texte travaillé par les résidents eux-mêmes et le COPAF est un honneur mais aussi un impératif. 

60 ans que les foyers de travailleurs migrants (FTM) existent, 60 ans que la loi n’a pas évolué. Un logement pensé comme une solution temporaire est devenu pérenne. Après toute une vie de labeur, les résidents sont peu nombreux à accéder à une solution de logement dans le parc locatif privé et public en raison de la crise du logement et subissent de fait des discriminations dans leurs foyers et résidences. 

Face à la dégradation et vétusté des FTM, en 1997, l’Etat a mis en place un “Plan de traitement des foyers de travailleurs migrants », assorti de 2,5 milliards d’euros. Nombre de foyers ont été transformés en résidences sociales. Fini les chambres dortoirs, les résidences comprennent des petits studios, avec coin kitchenette, douche et sanitaire privatifs. Mais au passage, les résidents ont perdu dans nombre de réhabilitations l’accès aux salles communes si essentielles à la vie sociale de ces travailleurs isolés. Aussi, l’essor de ces résidences sociales s’est accompagné d’un changement de public dans ces résidences, celles-ci accueillant de plus en plus de populations précaires, d’autant plus que l’hébergement d’urgence connaît lui aussi une crise d’offre totale. Mais quel est l’objectif des pouvoirs publics ? Les résidents et les associations qui les soutiennent craignent un objectif politique non avoué, la disparition des FTM, des logements fléchés pour les travailleurs migrants isolés. Si les résidents des FTM qui ont intégré une résidence sociale ont gardé leur contrat d’avant, les nouveaux entrants sont assujettis à des contrats provisoires de 2 à 3 ans. Cette discrimination et précarité renforcée sont légitimement fortement contestées. De fait, il y a toujours de nouveaux travailleurs migrants isolés, et les travailleurs migrants retraités sont nombreux à vouloir rester vivre en France après toute une vie de labeur. Quel avenir côté logement ? Si leur accès selon leur choix à un logement social relève, comme pour toute la population dans l’accès au logement social, d’une politique volontariste hélas aujourd’hui absente, il reste essentiel de maintenir une offre de logement permettant les solidarités communautaires, la vie sociale de ces travailleurs migrants isolés. L’absence de politique volontariste de logement public et une non garantie de la pérennité des résidences sociales ou FTM pour les travailleurs migrants les condamneraient aux marchands de sommeil. 

Le pouvoir des gestionnaires dans l’établissement des règlements des foyers et résidences sociales marque la singularité du traitement qui est accordé aux résidents. Quand la violation de la  vie privée est interdite pour les propriétaires vis-à -vis de leurs locataires, les gestionnaires eux ne sont pas soumis aux droits qui protègent les locataires. Dans les FTM et résidences sociales, les règlements interdisent aux résidents d’héberger une tierce personne. Les gestionnaires s’arrogent le droit de violer la vie privée, d’entrer dans les chambres et les studios afin de contester si une tierce personne y est hébergée. 

Le vieillissement de la population des travailleurs migrants aggrave l’inhumanité des pratiques des gestionnaires. Une personne âgée en perte d’autonomie locataire peut accueillir son fils, un résident travailleur migrant retraité ne le peut pas. Voici quelques situations qui permettent de prendre conscience des terribles conséquences : 

  • Monsieur H.D., 90 ans, résident du foyer Chevaleret dans le 13e arrondissement de Paris, s’est vu assigné pour expulsion par ADOMA devant le Juge des Contentions et de la Protection pour résiliation de contrat de résidence et demande d’expulsion pour avoir hébergé son petit-fils, avec qui il vit et dont il est dépendant.
  • Monsieur D. N., 79 ans, résident du foyer des Amandiers-Troènes dans le 20e arrondissement de Paris, a été expulsé par le gestionnaire ADEF pour avoir hébergé son fils. Une mobilisation solidaire des résidents et du quartier a permis de suspendre les effets de cette expulsion jusqu’à la fin de la trêve hivernale. 
  • Monsieur B. K., 75 ans, résident du foyer Paris Riquet dans le 19e arrondissement de Paris, a été condamné à l’expulsion pour avoir hébergé son fils alors même qu’il était suivi à long terme pour problèmes cardiaques et a, depuis plus de 15 ans, un stimulateur cardiaque.
  • Monsieur A. B., 55 ans, résident du foyer Paris Riquet dans le 19e arrondissement, a été condamné à l’expulsion alors qu’il vivait avec son fils dont il est dépendant étant aveugle et reconnu en situation de handicap. 

Aussi, dans les FTM et résidences sociales, les résidents ne s’acquittent pas seulement d’un loyer et de charge comme tout locataire, mais également de prestations qui ont la particularité d’être obligatoires. Ces FTM et résidences jouissent d’un statut hybride entre l’hôtel et le logement. Ainsi, chaque résident doit s’acquitter obligatoirement de la prestation “draps”. Dans les faits, beaucoup se plaignent que les entreprises privées de pressing traitent les draps des foyers après leurs autres marchés pour les hôpitaux, EHPAD et autres et que la qualité du service les concernant serait déplorable. Beaucoup préfèrent laver leurs draps par eux-même mais restent contraints de payer la prestation. La prestation mobilier est conséquente alors même que les quelques meubles, un lit, une table, une chaise, un frigo et une plaque électrique sont amortis assez rapidement. Si une plaque électrique tombe en panne plus de deux fois, le résident doit la repayer alors même qu’il paye cette prestation “mobilier” ! Ils doivent également s’acquitter d’une redevance obligatoire “accompagnement social” de 20 euros par mois qui généralement dans les témoignages recueillis des résidents se limite à l’aide à la constitution des dossiers APL ! Les gestionnaires, type AFOMA, ADEF et bien d’autres financent ainsi leur personnel sur place. Ces différentes prestations sont fixées par un comité de pilotage de l’État via les préfectures de régions. Mais comment ces marchés sont établis ? Avec quel plafond et quels justificatifs ? Pourquoi les représentants des résidents ne sont-ils pas pleinement associés démocratiquement à ces prises de décisions ? L’opacité et l’absence de démocratie sociale dans la gestion des FTM et Résidences sociales sont d’un autre âge !  

C’est à tous ces dysfonctionnements et discriminations, que cette proposition de loi tente de répondre par : 

  • la création d’une catégorie “résidence pour travailleurs isolés” pour garantir la pérennité d’une offre de logement adaptée aux travailleurs isolés (aux côtés des résidences familles, résidence accueil)
  • l’ouverture aux résidents du droit à un contrat de bail de droit commun, pour leur garantir les mêmes droits qu’aux autres locataires, notamment en cas d’hébergement d’un tiers, d’impayés, de résiliation judiciaire, de vente, de destruction et d’insalubrité.
  • l’obligation d’établir des espaces collectifs dédiés à la vie sociale collective dans les foyers et résidences. 
  • la démocratisation de la gestion des logements-foyers, d’une part en assurant un vote pour l’élection des membres du Comité de résidents sans intervention ou entrave de la part des gérants en instaurant une sanction ; d’autre part en garantissant la tenue d’une réunion annuelle des Comités de résidents au sein d’un organisme gestionnaire de plus de 10 résidents ainsi qu’une réunion en cas de projet concernant l’ensemble des logements-foyers.
  • la définition des conditions de fixation des loyers et charges et l’abandon des prestations obligatoires. 

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