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Autre 8 mai 1945 : Reconnaître les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, une nécessité pour les familles des victimes

“Si nous mourrons, c’est pour la liberté et non contre la France.” 

Les derniers mots de Ali et Smail Abda, massacrés à Guelma le 16 mai 1945, suffisent à comprendre l’enjeu du combat pour la mémoire des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata : le combat pour la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes. 

J’ai eu le plaisir de rencontrer leur nièce et leur neveu qui mènent, depuis plusieurs années, un travail d’archives considérable et qui ont souhaité me partager leur histoire familiale au cours de l’une de mes permanences parlementaires. 

Leur histoire familiale, pour eux, commence tout d’abord par le poids du silence et de la tristesse qui entourent chaque mois de mai depuis leur naissance. Sans savoir que leur grand-père, puis leurs deux oncles, ont été massacrés à Guelma, ils ressentent le poids, non verbalisé, de la mort et du chagrin.

Un jour, la vérité éclate. Amar, le grand-père, Ali et Smail, ont tous été massacrés à Guelma. Pire, ils l’ont été sous les ordres du sous-préfet de Guelma d’alors, Monsieur André Achiary. Pour quel motif ? Un télégramme du cabinet du gouverneur général d’Algérie adressé au Ministre de l’Intérieur et daté du 14 juillet 1945, deux mois après ces exécutions sommaires et jour de fête nationale, mentionne : 

“Enquête judiciaire établira si les individus considérés seulement comme suspects n’appartenant pas officiellement à des organisations nationalistes étaient réellement dangereux”.

À la lecture de ces mots, je ne peux imaginer la colère, l’incompréhension que l’on ressent lorsque des parents, ici des oncles, un grand-père, sont massacrés, assassinés sous les ordres d’un représentant de l’État sans aucune forme d’enquête préalable aux exécutions. Je ne peux imaginer la colère que suscite le silence de l’État, de 1945 à aujourd’hui, sans qu’il n’ait jamais officiellement reconnu ces massacres. 

C’est cette colère que Monsieur et Madame Abda ont tenu à me rapporter lors de notre entretien en me demandant “comment peut-on aimer la France, pays où l’on a grandi, quand la France elle-même ne reconnaît pas ce qu’elle a fait à nos oncles et à notre grand-père ?”. La réponse, ils l’avaient déjà : la mémoire, au travers de leur travail d’archives et de celui de nombreux historiens, et la reconnaissance des ces crimes.

Ce n’est pas la haine de la France qui pousse au travail de mémoire, mais c’est l’amour de celle-ci, de ses promesses inachevées de Liberté, Égalité, Fraternité. 

S’il est encore difficile d’établir le bilan humain de ces massacres, estimé à quelques dizaines de milliers de morts par les historiens, sa réalité n’en est pas moins flagrante. La France a massacré un peuple colonisé à Sétif, Guelma et Kherrata.

Reconnaître, ce n’est pas salir l’histoire de France. Reconnaître, c’est honorer la mémoire des victimes, et surtout, permettre aux familles de se reconstruire, de laisser derrière elles le poids de la mort, sans jamais oublier le sort inacceptable de leurs aïeuls. Reconnaître, c’est ouvrir la réconciliation de la France, d’abord avec elle même, et surtout avec tous ceux qui connaissent aujourd’hui les conséquences de la colonisation et de ses crimes. 

C’est en ce sens que nous continuons nos travaux avec Elsa Faucillon, Fatiha Keloua-Hachi et Sabrina Sebaihi pour la reconnaissance des crimes de mai-juin 1945,  leur inscription aux programmes scolaires; mais aussi pour l’ouverture totale des archives relatives à ces massacres.

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