Le projet de réaménagement de la Porte de Montreuil doit être remis à plat !
Le projet très mal nommé “The Collective for Climate” porté par le mandataire Nexity et la Ville de Paris, n’est ni écolo, ni social, ni démocratique.
Bien que nous soyons toutes et tous très préoccupés par la situation nationale au lendemain du 1er tour et à la veille du second, préoccupons-nous également des projets locaux aberrants. Le score à Paris et dans le 20e doit d’ailleurs nous renforcer dans ces combats : Le score de Jean-Luc Mélenchon des deux côtés du périphérique à la Porte de Montreuil exprime un rejet de l’ultralibéralisme de Macron, une forte adhésion à la justice sociale et écologique et une exigence via l’aspiration à la 6e République pour que les politiques cessent de s’imposer sans et contre les habitant.es. J’entends dans cette note de blog vous parler de l’aménagement de la Porte de Montreuil. Gouverner selon les besoins, comme le propose le programme l’Avenir en Commun que nous continuerons à défendre dans les élections législatives, c’est aussi inverser cette logique pour faire des projets urbains et de toutes les politiques publiques des outils au service des habitant.es, de l’urgence sociale et écologique et non des promoteurs et investisseurs privés.
Un exemple de privatisation des politiques d’urbanisme
Depuis le début, le projet de réaménagement de la Porte de Montreuil s’est en effet construit sur de très mauvaises bases.
Au lieu de partir des besoins et de s’appuyer sur une démarche de co-production de ces besoins avec les habitant.es du quartier des deux côtés du périphériques et de tous les acteurs économiques et associatifs, la démarche a été celle des “Réinventer Paris”, laissant au secteur privé la tâche de l’élaborer.
Dans le cadre de l’appel à projets “Reinventing Cities”, un jury présidé par Jean-Louis Missika, qui aujourd’hui fait l’objet d’une enquête du Parquet National Financier (dont je suis particulièrement fière), a retenu le projet “The Collective for Climate”, avec pour mandataire Nexity.
Cette démarche même de l’appel à projets innovants et de jury sélectionnant des projets portés par des grands groupes privés contourne, même avec la tenue de quelques réunions de concertations, une réelle implication citoyenne digne de la démocratie locale dont se revendique la mairie de Paris. Comme le précise la FNE dans son courrier aux élu.e.s parisien.ne.s : “Une enquête publique sur ce projet a eu lieu du 19/6 au 19/7/2019, avec tellement peu de publicité qu’elle n’a reçu que 17 observations ! Elle a été suivie d’une séquence de concertation le 11 et le 15 septembre 2021, des périodes loin d’être idéales pour un exercice démocratique satisfaisant.”
Aujourd’hui, les associations environnementales ne sont pas écoutées, les puciers se sentent méprisés et les structures locales comme la Halte Aide aux Femmes Battues sont carrément ignorées.
Un abattage de 76 arbres et 174 à suivre, pour un projet antiécolo qui bétonne les talus du Périphérique
En pleine période de nidification, 76 arbres viennent d’être coupés ! La ville engage tous ces abattages d’arbres au mépris de ses soi-disant engagements en faveur de la biodiversité si menacée. Alors que la préservation et la reconquête des espaces en pleine terre devrait être un impératif, le projet prévoit de bétonner sur les talus du périphérique alors même qu’ils constituent une ceinture poumon vert si essentielle autour de cette autoroute urbaine si polluante.
Les associations écologiques et environnementales comme la FNE ont interpellé la mairie de Paris dans un communiqué dans lequel elles déclarent “Il est urgent d’attendre et de mettre un coup d’arrêt à ces projets inadaptés aux vrais besoins des habitants, le temps de retrouver un mode de cohabitation apaisé et vertueux avec la nature qui nous reste et qui nous sauve.”
Cet appel doit être entendu !
Le projet prévoit vers le nord un immeuble pont, surplombant le périphérique qui par ailleurs réduit des talus plantés qui sont des espaces verts de biodiversité et de respiration si nécessaires au vu des problématiques de pollution qu’il convient de conserver comme tels au lieu de les construire.
Les usages de cet immeuble pont étaient au départ dédiés à de l’hôtellerie et sont aujourd’hui certes plus diversifiés mais pour des futurs bureaux. Un tel immeuble surplombant le boulevard périphérique, au vu de sa pollution, constitue une aberration du point de vue de la santé environnementale, et une étude d’impact et un avis de l’autorité environnementale s’imposent. Les projets Mille arbres et Multi strates ont déjà été retoqués par le Tribunal Administratif l’an dernier pour ces raisons.
D’autre part, côté Montreuil, le projet prévoit l’éviction dans le bois de Vincennes des locaux d’entretien des espaces verts de notre arrondissement de la DEVE situés en bordure du talus arboré du périphérique pour construire un immeuble de bureaux. Là aussi on va abattre plusieurs arbres. En clair, on supprime la continuité de talus végétalisés et on considère que ce foncier de la ville de Paris devient du foncier constructible ! S’agissant d’un équipement public, il aurait été nécessaire de présenter en amont aux élu.es la procédure envisagée pour “déséquiper ce terrain’’ et le vendre à Nexity, ce que j’avais demandé en vain l’hiver dernier.
Un tel projet de construction est totalement en contradiction avec le titre “The Collective for Climate” qui fait office de greenwashing, quand bien même les matériaux envisagés seront à 80% des matériaux locaux bio sourcés, que les bâtiments seront alimentés en énergie par géothermie et en partie par des toitures bio solaires, que le projet se fixe une ambition de neutralité carbone avec un haut niveau de performance énergétique.
La ville de Paris communique qu’elle est engagée en faveur d’un nouveau PLU bioclimatique portant l’ambition de reconquête de surfaces conséquentes de pleine terre mais poursuit des projets d’urbanisme passéistes en totale contradiction avec cet objectif écologique.
Les enjeux climatiques dans une ville aussi dense que Paris devraient nous dicter de ne pas densifier le long du boulevard périphérique, qui plus est sur les talus déjà plantés ! Dans le cadre de la révision du PLU il serait responsable de ne pas envisager une OAP (opérations d’aménagement et de programmation) relative au Boulevard périphérique avec des injonctions contradictoires, densifier et construire le long du Périphérique et “en même temps” promettre des forêts sur talus qui n’en seront pas !
Les habitant.e.s du 20e et plus globalement de Paris et des villes limitrophes n’ont pas réellement été associés à ces décisions : construire un bâtiment pont surplombant le périphérique, délocaliser un service d’entretien des espaces verts utile aux habitants de l’est de Paris, ériger un immeuble de bureaux sur un talus planté, et abattre nombre d’arbres, réduisant ce faisant les surfaces de pleine terre des talus.
Enfin, le projet prévoit la déclassification de deux zones vertes en zones urbanisables au niveau des deux stades à un endroit de raréfaction de la végétation.
Les puciers méprisés !
Sans qu’ils l’aient demandé, le projet prévoit de déplacer les puces sous une halle. Ces derniers dénoncent depuis le début qu’un tel projet dénature la culture populaire des puces en l’étouffant dans ce qu’ils craignent de voir devenir un centre commercial.
Lors du jury, Nexity s’était engagé à prévoir 356 emplacements pour les commerçants du Marché aux puces de la Porte de Montreuil. Dans le projet actuel, il n’y aurait que 240 emplacements prévus, en totale trahison avec le projet présenté et devenu lauréat par décision du jury. Le projet de Nexity aujourd’hui réduit de fait de 30% la surface allouée aux commerçants du marché aux puces et prévoit une partie des emplacements sur une mezzanine alors que les commerçants craignent que ces emplacements soient beaucoup moins bien fréquentés par les clients potentiels du futur marché aux puces reconstitué.
Les commerçants du marché aux Puces de la Porte de Montreuil ont bien été associés, concertés, mais ils peuvent légitimement se sentir trahis étant donné l’écart conséquent entre le nombre d’emplacement prévu initialement devant le jury, à savoir 356, qui serait réduit à 240 aujourd’hui !
Pendant la durée des travaux de construction du futur bâtiment qui accueillera à terme le marché, une délégation de service public pour la gestion transitoire du marché aux puces de la Porte de Montreuil a été adoptée. J’avais voté contre lors du Conseil de Paris de février dernier, considérant que le compte n’y était pas pour les puciers.
Des solutions existantes, provisoires et perfectibles, avaient partiellement été trouvées grâce notamment aux propositions émises par les commerçants du Marché aux puces. Les discussions se poursuivent mais bloquent sur des points qui sont loin d’être des détails. Les places de stationnement pour les camions n’étaient qu’au nombre de 64, totalement insuffisantes car il en faudrait 340. Les puciers revendiquent également depuis le début la piétonisation des rues de leur futur emplacement provisoire afin de garantir la sécurité des commerçants comme des clients du Marché aux puces. Alors que les puciers ont proposé un plan permettant le stationnement des 340 camions juste derrière les 340 emplacements prévus, la ville limite les stationnements pour 170 camions et propose aux autres de se garer à 500 mètres plus loin rue de Lagny ! Quel mépris ou méconnaissance crasse du travail des puciers : comment imaginer que ces derniers puissent réalimenter leur stand avec une telle distance entre leur stand et leur camion ?
Les habitant.tes dans tout ça ?
Si pour les habitants de la Porte de Montreuil il est essentiel de mieux penser la continuité urbaine, avec des aménagements piétons et arborés, ils expriment aussi deux autres priorités quand on les rencontre en porte à porte. La première est celle de la vétusté des logements sociaux. Les bailleurs sociaux, bien que dirigés par des élus de la majorité sont très peu à l’écoute de ces problèmes du quotidien des moisissures, des chauffages qui ne marchent pas, des infestations de cafards, souris, rats et même punaises de lit. Le magasin de dératisation qui trône sur la place est pourtant là pour rappeler ce besoin si prégnant. Mais la ville n’envisage toujours pas de recréer un réel service public pour y remédier. Les projets de réhabilitation font encore trop peu l’objet de concertation et les habitants s’estiment toujours très peu associés.
La présence de vendeurs de cigarettes à la sauvette et le nombre de biffins qui tentent de survivre autour de la Porte de Montreuil n’est pas non plus pris en compte dans le projet. “Ranger” les puciers sous une halle ne le résoudra pas. Ce sentiment d’insécurité s’est d’ailleurs traduit par un vote pour les listes d’extrême droite de Le Pen et de Zemmour plus important qu’ailleurs, mais contenu à 11,5% pour Le Pen et 5,9% pour Zemmour. La question des reventes illicites et des mafias qui les structurent nécessitent néanmoins une toute autre politique que l’unique recours à la répression ou la stigmatisation anti immigrés : La régularisation administrative de celles et ceux, sans papiers, qui tentent de survivre par ces marchés parallèles est fondamentale pour leur permettre de vivre d’un travail légal, sécurisé juridiquement et socialement et sortir enfin de cette surexploitation de la misère sans droits.
Concernant les biffins, celles et ceux qui (sur)vivent de la revente des objets chinés dans nos poubelles, le débat date depuis au moins 2008 dans le 20e. Frédérique Calandra, qui était la maire PS à l’époque avant de rejoindre Macron, était fortement opposée à l’expérimentation de tout marché régulé, tout comme l’ensemble des élu.es PS. L’association Amélior, que j’ai toujours soutenue, proposait pourtant que ces marchés régulés de petites tailles, puissent s’organiser sur des emplacements de différents marchés, à des jours et horaires définis. Alors que l’association Aurore s’occupe toujours du carré des Biffins situé sous la Porte de Montmartre et subit depuis le début une trop forte affluence révélant le manque d’espaces dédiés dans Paris, le PS parisien hors 14e, jusqu’à aujourd’hui encore, s’est toujours refusé de développer de nouvelles expérimentations. Résultat, ils font croire que l’aménagement urbain, sans répondre à ces problématiques, fera disparaître la misère alors qu’il ne peut en être ainsi.
la Halte Aide aux Femmes Battues carrément ignorée
L’association est située rue Mendelssohn, précisément à la Porte de Montreuil. Je suis allée à leur rencontre en mars dernier. Elles m’ont confirmé n’avoir aucune info et ne pas avoir été concertées sur le projet de l’aménagement de la Porte de Montreuil.
Pour celles et ceux qui ne la connaissent pas, l’association comprend à la fois un foyer qui permet l’hébergement dans des appartements dans le diffus des femmes avec leurs enfants, le temps qu’elles se reconstruisent, et un accueil de jour (ESI) où des femmes victimes de violences ou en situation de grande précarité peuvent venir en journée, se doucher, laver leur linge, se reposer, participer à des activités, prendre leur courrier et être accompagnées dans leur reconstruction, dans la déconstruction de l’emprise qu’elles subissent très souvent, mais aussi dans les démarches pour trouver un emploi ou un logement. Si 1.000 femmes au total sont domiciliées dans ce lieu (c’est-à-dire qu’elles y reçoivent leur courrier), elles sont 60 à 70 chaque jour à passer dans la structure d’accueil de jour. L’association tient également des permanences sans rendez-vous, où chaque femme victime de violence peut se rendre afin d’être accompagnée et mise à l’abri, ainsi que des permanences psychologiques.
La présidente et la directrice de l’association nous ont exposé les difficultés qu’elles subissent, du fait du manque de moyen et de prise en compte de leurs besoins par les pouvoirs publics.
Leur premier problème est celui des locaux. L’association est divisée en deux sites, l’un pour le foyer et l’autre pour l’accueil de jour, ce qui rend le travail au quotidien très compliqué. Le manque d’espace est flagrant : par exemple l’entrée de la douche est située juste à côté de la porte d’entrée sur rue de l’accueil de jour, alors qu’un sas serait nécessaire pour permettre l’intimité des femmes. L’association a un besoin urgent de nouveaux locaux qui lui permettent de regrouper ses activités sur un seul site, et d’avoir davantage d’espace.
Alors qu’à quelques dizaines de mètres des locaux de l’association, a lieu le grand projet de réaménagement de la Porte de Montreuil, comment se fait-il que la Ville n’a même pas cherché, en faisant ce projet, à lister les besoins dans le quartier, et notamment à y assurer de nouveaux locaux adaptés aux besoins de cette association ? Madame Hidalgo assurait dans sa campagne à longueur de passages médias que la lutte contre les violences faites aux femmes était une priorité pour elle. Cette association aurait dû être associée dès le départ à l’élaboration du projet s’il avait été pensé en fonction des besoins. L’association, dont la mission est pourtant si prioritaire, reste sans perspective concrète à ce jour de locaux adaptés.