Aberrations antisociales dans le logement social
Ecoutez, cette intervention, cette délibération est importante et elle nous invite à re-signer à la fois la convention de mandat de gestion comptable et financière du Fonds de solidarité logement avec la C.A.F. de Paris et la contribution au F.S.L. et la convention avec l’Etat relative au Fonds national d’aide aux impayés locatifs. Il s’agit à la fois de la convention et de l’avenant relatifs à l’accompagnement social lié au logement et à l’aide à la médiation locative, dont « Louez solidaire et sans risque ». Ces délibérations sont d’autant plus importantes qu’avec la crise sociale consécutive à la crise sanitaire, nous savons que les impayés de loyer explosent, y compris pour les locataires du logement social.
Il faut dire que dans le logement social, on est quand même face à une certaine aberration. Si vos revenus augmentent, vous êtes invités à payer des surloyers. Mais si, à un moment donné, vos revenus chutent, à ce moment-là, il n’y a pas de baisse des loyers, car le calcul des loyers est fait en fonction des conventionnements et donc des financements. On vous met dans la case P.L.A.-I., PLUS, P.L.S. en tant que demandeur. Mais le logement en tant que tel ne change pas de catégorie. Il faudrait donc que le législateur change profondément ce rapport, afin que les loyers soient calculés pour ne pas dépasser un plafond de taux d’effort par rapport au pouvoir d’achat, et il ne devrait jamais y avoir plus de 30 % de taux d’effort par rapport à ce que représente le logement.
Sur cette délibération, je voudrais vous raconter une anecdote. Je voudrais vous parler de Gérard et de sa femme, qui sont locataires du logement social et menacés d’une procédure d’expulsion à la fin de la trêve hivernale. Ils ont un retard de loyer de 8.000 euros ; cela peut paraître très conséquent et inquiétant. Mais qu’est-ce qu’il se passe ? Dans le cadre des premiers échanges, j’apprends qu’en fait son loyer est de 1.000 euros et qu’en 2018, il a subi 6 mois de chômage mais qu’il n’a pas pu toucher ses indemnités du fait de son âge, étant donné qu’on l’a considéré comme devant partir à la retraite. Il s’est senti totalement démuni dans ses démarches. Aujourd’hui, il a retrouvé du travail mais il ne gagne que 1.200 euros par mois et paie 200 euros d’impôt chaque mois, et sa femme a un problème dans l’accès à sa retraite et ne perçoit que 300 euros alors qu’elle était fonctionnaire et devrait avoir accès à bien plus. Ce qui est important dans le dispositif mis en place, c’est qu’ils ont un rendez-vous très prochainement avec une assistante sociale, qui va leur permettre de refaire le point. A priori, il y a certainement un problème de non-accès aux droits, et cela, c’est la première démarche pour que les personnes ne se trouvent pas complètement prises à la gorge par des impayés de loyer qui sont souvent dus à un non-recours à tous les droits qu’ils devraient avoir. Mais là, on voit bien toute la difficulté causée par la dématérialisation des démarches administratives, notamment étatiques, qui fait que le rapport à l’humain des gens, quand ils ont des difficultés à accéder à leur retraite et à démêler bien souvent des carcans kafkaïens, est totalement déficient.
On espère que ce rendez-vous va permettre de l’accompagner dans le recours à tous ses droits et qu’il y ait aussi un échelonnement de la dette, avec un accès au F.S.L. s’il en a besoin, pour pouvoir s’en sortir. Il n’empêche que ce qui est très violent, c’est qu’il a d’abord le couperet d’une lettre de son bailleur, Paris Habitat, qui grosso modo lui annonce qu’il sera expulsé à la fin de la trêve hivernale. Là, il faut absolument que, dans l’accompagnement social, on prenne compte aussi de la conséquence de la violence que tout cela représente et que ce qui doit nous préoccuper, c’est l’humain derrière tout cela. Des cas concrets, je suis persuadée que vous en avez plein dans vos permanences, qui vous touchent profondément.
Les expulsions locatives sont reparties à la hausse en 2021, puisque 6.600 ménages auraient été expulsés de leur domicile, a annoncé la Fondation Abbé Pierre fin octobre, et on devrait être même plutôt à 8.000. Et la Fondation craint une amplification des procédures l’an prochain, du même niveau qu’après la crise de 2008.
L’une des mesures d’urgence qu’il faudrait prendre consisterait à interdire purement et simplement les expulsions locatives sans relogement, au-delà de la seule période de la trêve hivernale. Et, en cohérence avec cet objectif, il faudrait mettre en place un système de garantie universelle des loyers – c’est ce que propose, d’ailleurs, la France insoumise qui avait fait une proposition de loi en ce sens -, c’est-à-dire instaurer une assurance collective permettant d’indemniser les bailleurs en cas d’impayé et ainsi de concentrer toute l’action des pouvoirs publics et de l’ensemble des acteurs sur le retour à la normale de la situation du locataire, avec une caisse nationale unique de garantie des loyers. Créer cette caisse permettrait de collecter les cotisations sur les revenus locatifs et déclencher un dispositif d’indemnisation des bailleurs en cas d’impayé. Parce qu’on sait très bien qu’à la fin, quand vous expulsez quelqu’un, non seulement c’est une violence d’une inhumanité catastrophique, et on oublie toujours les enfants qui sont souvent dans le foyer…
Mme Danielle SIMONNET.- … eh bien, cela coûte aux pouvoirs publics en termes d’hôtels.
Mme Danielle SIMONNET.- Il faut donc voter cette délibération, mais il est temps aussi…
Mme Danielle SIMONNET.- … d’avoir une vision plus globale.