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La Tour Triangle : un cas d’école d’urbanisme spéculatif et anti-écologique

Résumé du projet :

Il s’agit de la construction dans le XVe arrdt de Paris (Parc des Expositions) d’une tour en verre de 180 m. de haut (à peine moins haute que la tour Montparnasse : 210 m.), ultra-énergivore, et correspondant à 70 000 m2 de bureaux (soit 80% de la surface !) et un hôtel 4 étoiles. Le tout pour un coût de 700 millions d’euros d’investissement privé (évalué à 500 millions en 2019), abondés principalement par le promoteur Unibail, récemment aidé par un fonds d’investissement dépendant d’AXA. En résumé : il s’agit d’un exemple typique de grand projet d’urbanisme inutile et anti-écologique, dans le seul but de favoriser des intérêts purement spéculatifs, et maquillé en « geste architectural » de prestige. Danielle Simonnet s’est donc systématiquement opposée à ce projet en Conseil de Paris, qui divise jusque dans la majorité parisienne puisque le groupe EELV y est également défavorable. Le soutien indéfectible d’Anne Hidalgo à la Tour Triangle signale ainsi sa duplicité sur les sujets écologiques : derrière les paroles sans conséquences, la communication et le greenwashing, la Maire de Paris et candidate du PS à la présidentielle a choisi une nouvelle fois de sacrifier l’intérêt général sur l’autel d’une illusoire « attractivité », tout en donnant une nouvelle preuve de sa bienveillance troublante envers les milieux d’affaires.

Contexte : 

Unibail est le premier groupe d’immobilier commercial mondial (Benjamin Griveaux en  a d’ailleurs été cadre pendant deux ans, pour 17000 €/mois) ; Unibail est logiquement très bien implanté à Paris : c’est par exemple à ce groupe que la Mairie avait bradé en 2010 tout le cœur des Halles pour seulement 1420 €/m2… Anne Hidalgo avait à l’époque parlé d’une « bonne affaire pour les Parisiens » : chacun jugera. Depuis 2020, Xavier Niel (par ailleurs soutien fervent de la Macronie) a réussi à imposer un changement de la direction d’Unibail et à augmenter sa propre participation au capital du groupe, de manière à en devenir le premier actionnaire (23% parts). Il pourra être porté à la connaissance du public que Jean-Louis Missika, ancien adjoint tout-puissant à l’urbanisme d’Anne Hidalgo et directeur de ses campagnes municipales de 2014 et 2020, et qui avait soutenu explicitement Emmanuel Macron en 2017, est un proche ami de Xavier Niel, qui l’avait nommé vice-président de Free en charge du lobbying auprès des élus locaux ; et Missika avait précisément rencontré Niel en 2007, alors que le pas encore adjoint de Delanoë travaillait pour un fonds d’investissement dépendant… d’Axa. Il faut dire que J.-L. Missika est coutumier du pantouflage et du rétro-pantouflage, et ne compte pas renoncer à cette habitude : celui qui avait défendu becs et ongles la concession en bail emphytéotique d’un tiers du site historique de l’hôpital de l’Hôtel-Dieu au promoteur Novaxia, pour le transformer en espaces commerciaux (et notamment un restaurant gastronomique) a récemment été nommé… à Novaxia ! Danielle Simonnet avait à l’époque dénoncé cette nouvelle braderie du patrimoine public, puisque les 20 000 m2 de l’Hôtel-Dieu concernés avaient été concédés pour 80 ans en échange de la somme ridicule de 144M €, soit un loyer de 7,5 €/m2/mois… sur l’île de la Cité !

Historique du projet : 

La Tour Triangle a toujours obtenu le soutien sans faille de l’exécutif socialiste : un premier projet d’Unibail avait été présenté en 2008 par Bertrand Delanoë, qui parle alors d’un « édifice exceptionnel à vocation économique, d’une beauté inouïe » ; en 2015, Anne Hidalgo, après un premier rejet en Conseil de Paris, défend le projet d’Unibail actuel, très légèrement modifié par rapport au projet initial ; en 2017, elle accorde le permis de construire. Lors de l’annonce au début du mois de novembre 2021 de la relance du projet, E. Grégoire, actuel 1er adjoint au Maire en charge de l’Urbanisme, a salué, dans la novlangue typique de l’exécutif parisien, une « excellente nouvelle pour l’attractivité de Paris et de notre pays ».

Ce projet a néanmoins fait l’objet d’une longue bataille juridique, portée par le « Collectif contre la Tour Triangle », qui regroupe plusieurs associations et riverains, et soutenu par France Nature Environnement (FNE) ; mais tous les recours déposés en Tribunal Administratif puis devant le Conseil d’Etat (juridiction administrative suprême) ont été jusqu’à maintenant rejetés. Par un heureux hasard, la Tour Triangle faisait partie des sites qu’un discret décret gouvernemental de 2019 avait inscrits au nombre des projets bénéficiant des procédures d’urbanisme dérogatoires accélérées prévues spécifiquement pour les édifices des JO 2024… au motif de sa proximité géographique avec le pavillon des handballeurs et des pongistes !

Néanmoins, en octobre 2021, on apprend que le Parquet National Financier (PNF) a ouvert une enquête préliminaire pour favoritisme, toujours en cours, à la suite d’un signalement à la justice de Rachida Dati et d’Anticor, qui s’appuyait sur un rapport très critique de la Chambre régionale des comptes d’Ile-de-France. En effet, la Mairie a indemnisé à hauteur de 263M Viparis, le concessionnaire du Parc des Expositions, qui est justement une filiale d’Unibail, pour avoir résilié son contrat d’exploitation, mais alors qu’elle lui en a aussitôt réattribué un… C’est donc peu de dire avec la Cour des Comptes que le préjudice est « non démontré » ! La procédure de ré-attribution de la concession du Parc est elle-même dans le viseur du PNF, puisque la Mairie a demandé précisément un « droit d’entrée » pour concourir de… 263 millions, en acceptant que Viparis renonce à l’indemnité, tandis que l’autre candidat devait autofinancer ce droit d’entrée — et a finalement perdu l’appel d’offre.

Un projet représentatif de l’urbanisme parisien sous la mandature Hidalgo : tout pour « l’attractivité », au mépris de l’utilité sociale et écologique

La Tour Triangle, même si elle représente un cas d’école de l’urbanisme spéculatif et anti-écologique, est loin d’être une erreur isolée ; elle correspond à l’orientation urbanistique générale de la municipalité socialiste, en particulier dans son soutien aux tours énergivores. Plusieurs exemples peuvent être rappelés à ce sujet : dans le 13e arrdt, sur le périmètre Masséna-Bruneseau (qui fait partie de la vaste ZAC Paris Rive Gauche), la Mairie a encouragé la construction des tours Duo, dont la première fera également 180 m de haut ; ces « deux personnages qui danseraient » (selon les mots de leur architecte Jean Nouvel) cachent là encore une réalité bien moins poétique : les tours correspondent en fait à 86 000 m2 de bureaux et — à nouveau ! — un hôtel 4 étoiles. Plus généralement, la zone Masséna-Bruneseau dans sa totalité a été abandonnée aux visées spéculatives des promoteurs immobiliers, avec la construction de 7 bâtiments dont 5 IGH (Immeubles de Grande Hauteur) consacrés essentiellement à du logement haut de gamme en accession à la propriété ; à quoi il faut ajouter, sur la zone Bruneseau-Nord, 6 bâtiments dont 3 Immeubles de Grande Hauteur, là encore entièrement centrés sur le logement privé haut de gamme (de 12 000 à 16 000 €/m2).  Enfin on pourra signaler la surélévation prévue de la Tour Montparnasse, permise par un artifice juridique grotesque (une dérogation au PLU obtenue via la construction d’une pseudo « serre agricole » au sommet de la tour !), dans le cadre plus général de la rénovation du quartier Maine-Montparnasse, destiné selon les mots mêmes de J.-L. Missika (en 2015) à devenir à terme le « Times Square parisien »… 

Pour un autre urbanisme, répondant aux besoins réels de la population :

L’urbanisme est une des compétences majeures de la Ville. Logements sociaux et très sociaux, crèches, centres de santé conventionnés, équipements publics et locaux associatifs, sans oublier les espaces verts en pleine terre, seuls à même de rendre la ville résiliente au changement climatique : il y aurait ainsi tant à faire pour un urbanisme alternatif, centré sur les besoins réels de la population, qu’ils soient en logements accessibles, en services publics, en îlots de fraîcheur et en lieux non-marchands — c’est-à-dire tout l’opposé de la métropole néolibérale, privatisée, bétonisée et gentrifiée promue par Anne Hidalgo, et dont la croissance anarchique est soumise aux seuls diktats de la rentabilité maximale.

La France Insoumise est ainsi résolument opposée à la construction à Paris de nouveaux espaces de bureaux qui densifient inutilement la capitale, augmentent les flux pendulaires de travailleurs, tout en aggravant le déficit de logements et en particulier de logements sociaux ; et ce alors qu’il y a déjà tant de bureaux vides, et que la tendance est probablement à un développement plus important du télé-travail ! La France Insoumise est également opposée à la construction de nouvelles tours, très énergivores et qui s’insèrent mal dans le paysage architectural parisien : nous défendons ainsi fermement le maintien dans le PLU (Plan Local d’Urbanisme) de la limitation de la hauteur à 25 m. en centre-ville et 37 m. dans les arrondissements extérieurs. La Tour Triangle est bel et bien l’emblème de l’urbanisme dépassé dont il faut tourner au plus vite la page.

Cliquez ici pour signer la pétition « Non à la Tour Triangle ! »

Article rédigé par L. Fonseca

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