Vœu relatif à la sauvegarde de l’Institut de linguistique et de phonétique
Mme Danielle SIMONNET.- Cette délibération sur l’Institut français est une délibération dans laquelle la Ville va allouer une subvention de 140.000 euros pour notamment valoriser la culture française à l’étranger. J’avais rattaché un vœu que l’Exécutif a décidé de manière arbitraire de « désattacher » et, je vous le dis encore une fois, je trouve qu’il va falloir modifier le règlement intérieur pour définir à la fois les critères, les modalités et les cadres qui sont légitimes pour décider si un vœu peut être rattaché ou non.
Prenons cette délibération. Pour la Ville, c’est important de valoriser la culture française à l’étranger, tout à fait. La culture française, c’est plein de choses différentes. C’est à la fois la création, les arts, mais c’est également le savoir, la science, la recherche.
Eh bien, je rattachais, moi, à cette délibération un vœu pour soutenir l’Institut phonétique de Paris, puisque je ne suis pas autorisée à déposer un vœu non rattaché comme les autres collègues peuvent le faire. Alors, je retrouve mon vœu. L’Institut phonétique de Paris, c’est un institut historique. Il est né à Paris il y a au moins 130 ans et ses applications concrètes, dans toute la recherche en phonétique, vous les retrouvez dans de nombreux domaines. Bien sûr dans l’enseignement, dans l’orthophonie, dans la sauvegarde des langues mais aussi dans des domaines auxquels on s’attend moins, par exemple dans la criminologie, dans la francophonie, dans l’interaction homme-machine, dans la reconnaissance du locuteur, dans la reconnaissance de la parole, dans la synthèse de la parole, dans énormément de domaines.
Vous comprenez donc bien que pour une ville comme Paris, avoir un Institut de linguistique et de phonétique générales et appliquées, qui est situé au 19 rue des Bernardins, cela fait partie de notre héritage culturel extrêmement important. Cet institut dépend de l’Université de Paris III en tant qu’Institut de recherche, mais le bâtiment en tant que tel appartient à la Ville, et la Ville veut récupérer son bâtiment. Ainsi, on retrouve là un peu la problématique que j’avais pu soulever dans une autre intervention où la Ville veut récupérer des bâtiments pour faire ses propres services publics. Et, ce faisant, elle ne se rend pas compte qu’elle peut créer des effets d’aubaine pour les décideurs de services publics nationaux qui se disent « tiens, voilà l’occasion de réduire un service public ».
En effet, que croyez-vous que serait la conséquence mécanique pour l’Université de Paris III et le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche si la Ville de Paris récupérait le 19 rue des Bernardins, alors que l’Institut est implanté depuis 1928 en ces lieux ? Vous croyez qu’en ce moment, dans le contexte actuel, l’Institut sera dans un autre bâtiment avec le même espace, dans les mêmes conditions, à la fois pour ses travaux de recherche, ses rencontres internationales et le travail des étudiants ? Bien évidemment que non. Voilà pourquoi il y a une mobilisation de l’ensemble des membres de l’Institut de linguistique et de phonétique générales et appliquées.
Sachez par ailleurs que cet Institut, qui est identifié au niveau national mais aussi international, reçoit un soutien d’intellectuels de renom du monde entier. Figurez-vous qu’il y a plein de générations de chercheurs en phonétique générale et appliquée et en linguistique qui sont allés dans cette rue des Bernardins et pour qui ce lieu est un lieu hautement symbolique. Certes, d’un point de vue patrimonial du bâtiment, je ne me prononcerai pas, je ne pense pas que le lieu soit d’une grande richesse absolue. Mais c’est l’histoire de ce lieu qui importe énormément à celles et ceux qui y travaillent et à celles et ceux qui sont attachés à ses travaux et qui vont le rejoindre.
Le projet de la Ville de Paris, propriétaire du bâtiment, on ne le connaît pas, mais, pour l’instant, c’est de mettre fin à la convention d’occupation alors même qu’il n’y a pas eu véritablement de concertation avec la communauté scientifique. Il ne faut pas que la Ville, dans ce cadre-là, se dise « c’est bon, j’ai contacté la direction de l’Université de Paris III et cela suffit ». Il y a des hommes et des femmes dans cet établissement, dans cet institut, et c’est avec ces hommes et ces femmes qu’il faut échanger.
La pétition a recueilli plus de 7.000 signatures et il y en a 4.000 qui viennent de Paris. Pourtant, ce n’est pas un sujet grand public. Le vœu ne sera pas soumis au vote, puisqu’il a été retiré, mais je souhaite que vous vous préoccupiez de ce sujet. D’ailleurs, je vois qu’on ne m’a pas rappelée à l’ordre alors que j’ai dépassé mes cinq minutes.
J’en finirai là, je vous remercie.